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Chapter 2 - 2: le garçon au silence lourd

Il avait quitté le restaurant sans un mot.

Les mots, il les gardait. Ça évitait de trahir ce qu'il était vraiment.

Les gens qui parlaient trop finissaient toujours par se brûler.

Assis dans sa voiture — une berline banale malgré ses moyens — il regardait fixement la sortie du restaurant. Il voulait la revoir. Pas à cause de son visage, ou de ses mots tranchants. Mais à cause de ce qu'il avait lu dans ses yeux : un feu éteint à coups de trahison.

Elle lui ressemblait. Plus qu'elle ne le saurait.

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Le lendemain, il revint. Même table. Même café.

Elle ne l'avait pas remarqué. Pas encore.

— Tu comptes lui parler cette fois ? dit une voix à l'oreille, celle de son garde du corps déguisé en chauffeur.

— Pas aujourd'hui.

Il sortit un carnet noir de sa poche. Un vieux truc en cuir. Il griffonna :

> "Elle n'est pas comme les autres.

Elle ne joue pas à être forte.

Elle l'est."

Puis il ferma le carnet.

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Le troisième jour, elle le vit. Il lui faisait dos, mais elle reconnut la silhouette. L'instinct ne trompe pas.

Elle s'approcha doucement. Curieuse malgré elle.

— Vous venez souvent ici maintenant ?

Il leva les yeux, surpris, mais pas déstabilisé.

— Peut-être que le café est bon.

— Ou que la serveuse est spéciale ?

Un petit silence s'installa.

— Spéciale, oui. Le genre qui ose répondre à Braker sans trembler.

— Vous étiez là ce jour-là…

— J'ai tout vu.

Elle fronça les sourcils.

— Pourquoi vous me regardez comme ça ?

— Parce que vous avez l'air de quelqu'un qui a tout perdu, mais qui refuse de tomber.

Elle sentit son cœur louper un battement. Il lisait à travers elle comme à travers une vitre sale.

— Et vous, vous avez l'air de quelqu'un qui cache bien des choses.

Il sourit. Pour la première fois. Un sourire à la fois doux… et dangereux.

— On dirait qu'on se ressemble, vous et moi.

— Pour bien commencer une rencontre, on se présente toujours. Moi c'est Nael.

— Enchantée, M. Nael.

— T'as une croûte à la joue… tu l'avais pas hier.

— Tu me matais hier ?

— Je t'observe, nuance.

— J'ai juste cogné un arbre pendant que j'étais dans la lune. Je me suis égratignée.

— Tu mens très mal.

— Ouais… on me le dit souvent. C'est pas comme si j'allais dire que j'ai éclaté l'ordure de l'autre fois.

Il sourit, un peu trop calmement.

— Alors… je peux te tutoyer ?

— Tu y vas vite. Me vouvoies, je suis plus âgée que toi. T'as quel âge ? dis-je en me retournant pour reprendre le service.

— T'en fais pas… je suis mineur.

Je m'arrêtai net. Je crus avoir mal entendu. Je me retournai lentement, une assiette en main.

— Quoi ?!

Il haussa les épaules, un brin moqueur.

— J'ai menti. Mais tu vois ? Toi non plus tu mens pas bien.

— J'ai menti. Mais tu vois ? Toi non plus tu mens pas bien.

Je le fusillai du regard, mais un coin de mes lèvres trahit un léger sourire. Il était culotté, ce gosse.

— C'est quoi ton vrai âge alors ?

— 24. Et toi… Aysha, c'est ça ?

— J'ai pas souvenir te l'avoir dit.

— Gya te l'a crié au moins trois fois dans la journée. Je suis attentif.

— Et tu comptes utiliser ce don d'attention pour quoi ?

— Pour deviner ce que tu caches derrière tes yeux fatigués.

— Poète ou psychologue raté ?

— Juste curieux. Et un peu dangereux.

Je levai les yeux au ciel et repris mon plateau.

— T'as fini ton numéro ? J'ai des tables à servir.

— Alors laisse-moi t'inviter à un café. Pas maintenant, après ton service.

— Et pourquoi je ferais ça ?

— Parce que tu veux savoir ce que fait un garçon comme moi dans un resto chic en costard à 14h30 un mardi.

— Tu bosses ici ?

— Non. Je suis le client mystère.

Je haussai un sourcil. Il me lança un clin d'œil et tourna les talons, me laissant là, avec un mélange d'agacement, de méfiance… et d'amusement.

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