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Chapter 4 - chapitre 4

Le coucher du soleil tapait doucement sur la baie vitrée du petit restaurant chic dans lequel Gabriel avait réservé une table. Ange, tiré à quatre épingles dans sa nouvelle tenue, avait du mal à croire que c’était bien lui, celui que les autres appelaient « l’intello invisible ». Le regard hésitant, il suivait Gabriel en silence, l’estomac noué à l’idée de revoir Rachelle.

— On fait bonne impression, fit remarquer Gabriel en lissant son col, un léger sourire au coin des lèvres.

Ange hocha la tête, nerveux. Il allait lui répondre quand le téléphone de Gabriel vibra. Celui-ci décrocha immédiatement, l’air sérieux.

— Attends-moi là deux secondes, dit-il à Ange avant de s’éloigner pour prendre l’appel.

Ange le regarda partir, intrigué par le ton soudainement tendu de son ami. Il allait détourner le regard quand quelqu’un lui rentra dedans. Il recula légèrement sous le choc.

— Excusez-moi monsieur, je ne vous avais pas vu…

Il releva les yeux et son cœur rata un battement. C’était Rachelle.

Mais elle, visiblement, ne l’avait pas reconnu. Elle regardait son visage avec étonnement, puis ses vêtements, ses chaussures.

— Wow… Tu es… Tu es méconnaissable ! Je ne t’avais pas reconnu. Franchement, ce look te va trop bien, dit-elle avec un sourire sincère. T’as changé de style ou quoi ?

Ange rougit légèrement. Il n’était pas habitué aux compliments. Il bredouilla une réponse maladroite :

— C’est… Gabriel qui m’a aidé à choisir.

— Ah, donc il est là ? demanda-t-elle en regardant autour.

Ange se retourna et désigna Gabriel, qui était encore au téléphone, un peu plus loin. Il semblait agité.

— Ça peut pas attendre un autre soir ?… dit-il, visiblement contrarié.

Il y eut un silence au bout du fil, puis Gabriel soupira longuement avant de raccrocher. Ce soupir en disait long sur la réponse qu’il venait de recevoir. Il rangea lentement son téléphone et revint vers eux.

Rachelle, malicieuse, le taquina dès qu’il arriva.

— Dis donc, c’était ta go au téléphone ou quoi ?

Gabriel sourit comme s’il allait éclater de rire, mais son regard trahissait un léger malaise.

— Non, c’était ma petite sœur. Elle voulait qu’on se voie ce soir.

— Elle t’a l’air d’avoir mis la pression, ta sœur, ajouta Rachelle en riant.

Gabriel haussa les épaules, puis ouvrit la voie :

— Bon, allons nous asseoir.

Ils entrèrent dans le restaurant et furent installés à une belle table près de la fenêtre. Ange, silencieux, se demandait toujours pourquoi Gabriel avait menti. Ce n’était pas la première fois qu’il captait ce genre de réaction étrange de sa part, et cet appel semblait avoir touché un point sensible.

Mais ce soir, il avait d’autres priorités. Il devait impressionner Rachelle…

Assis face à Rachelle, Ange essayait tant bien que mal de suivre la conversation. La jeune fille, souriante, jetait souvent des coups d’œil à sa tenue. Elle s’attardait sur la coupe nette de la veste, la finesse du tissu, les détails sur les manches.

Son regard devint plus concentré. Elle reconnut soudain les logos discrets, les finitions, les marques. “Attends… c’est pas du local, ça. C’est du haut de gamme.”

Dans son esprit, une pensée rapide traversa :

« Donc ce gars-là a de l’argent ? Intéressant… Peut-être que je me suis trompée sur lui. »

Son sourire s’élargit, plus chaleureux qu’auparavant, et elle se pencha un peu vers Ange.

— Tu t’es grave mis bien ce soir, dis donc. Tu portes quoi là ? C’est du Dior ou du Balmain ?

Ange, fier mais un peu trop honnête, répondit sans réfléchir :

— C’est Gabriel qui les a achetés pour moi.

Un petit blanc.

Gabriel, de son côté, fronça légèrement les sourcils. “Ah… la boulette.”

Avant que l’ambiance ne glisse totalement, il intervint calmement :

— Il exagère. C’est lui qui a choisi le magasin. Il a un très bon goût, tu savais ? C’est Ange qui a repéré ce costume en premier. Moi, j’ai juste confirmé que c’était un bon choix.

Rachelle, peu convaincue, esquissa un sourire poli.

— D’accord…

Puis, comme pour détourner l’attention, elle se tourna vers Gabriel et changea de sujet :

— Et toi, t’es pas mal non plus. Franchement, ta veste, ton parfum, tout est aligné. Tu sors de quel défilé ?

Gabriel eut un petit rire gêné. Il comprit à cet instant une autre boulette : il était trop bien habillé. Règle numéro un : « Ne jamais voler la vedette à celui qu’on aide à briller. »

Mais c’était trop tard.

Le serveur, lui, prenait une éternité. Gabriel saisit alors une opportunité. Il tapota sur la table, comme s’il se levait soudainement à cause d’un besoin pressant.

— Bon, je vais aux toilettes deux secondes. Commandez si jamais le serveur arrive.

Puis, alors qu’il passait derrière Ange, il se pencha et chuchota rapidement à son oreille :

— Dis-lui que tu trouves son regard captivant. Prends sa main doucement et regarde-la dans les yeux. Si elle ne recule pas… tente le baiser. T’as une chance.

Ange déglutit. Le moment approchait.

Rachelle, elle, sirotait son verre et le regardait avec plus d’intensité. Ange prit une inspiration, se pencha lentement.

— Je… je trouve ton regard captivant.

Elle le fixa, silencieuse. Il tendit la main, hésitant, toucha doucement la sienne. Elle ne la retira pas. Il sentit son cœur battre la chamade.

Il pencha légèrement la tête… approcha son visage…

Mais au dernier moment, il détourna les yeux, pris de honte.

Il ne pouvait pas. Trop brusque. Trop tôt.

Rachelle sentit immédiatement la faiblesse. Elle, une vraie joueuse, comprit que ce garçon n’était pas prêt à jouer dans sa cour.

Elle se leva lentement.

— Je vais aux toilettes, moi aussi.

Et elle s’éloigna sans un regard en arrière.

Mais au lieu d’entrer dans les toilettes des femmes, elle bifurqua vers ceux des hommes.

À l’intérieur, Gabriel, en train de se laver les mains, se retourna, surpris :

— Rachelle ? Qu’est-ce que tu fais ici ? C’est les toilettes des mecs…

Elle s’approcha, refermant la porte derrière elle. Un regard de feu dans les yeux.

— Je sais. Mais j’en peux plus… je te veux. Là, maintenant.

Elle le saisit par la chemise. Gabriel ne bougea pas. Il aurait pu la repousser… mais il ne le fit pas.

Ils échangèrent un baiser, intense, électrique, dangereux.

Au dehors, Ange, assis seul à la table, fixait son verre, inconscient du jeu brûlant qui se déroulait à quelques mètres de lui.

Dans les toilettes des hommes, la tension entre Rachelle et Gabriel devenait presque insoutenable. Leurs baisers s’intensifiaient, leurs corps se rapprochaient dangereusement. Rachelle, enfiévrée, commença à déboutonner lentement sa chemise, dévoilant une partie de sa peau satinée sous la lumière pâle du miroir.

Mais brusquement, Gabriel recula, comme frappé par un éclair de lucidité. Il posa ses mains sur ses épaules pour créer de la distance.

— Non… on ne peut pas faire ça à Ange.

Rachelle, surprise, fronça les sourcils. Elle soupira d’agacement.

— Je m’en fous d’Ange.

Son regard était glacial.

— Si je suis venue ce soir, Gabriel… c’est pas pour lui. C’est pour toi. Je t’ai toujours trouvé plus intéressant.

Elle tenta de l’embrasser à nouveau, l’agrippant par le col, mais Gabriel la repoussa cette fois avec plus de fermeté. Il secoua la tête.

— Non. Pas comme ça.

Il ouvrit la porte brusquement, réajusta sa tenue et sortit, le cœur battant, la mâchoire crispée.

En retournant à leur table, une vision inattendue l’arrêta net.

Ange était toujours assis… mais il n’était plus seul.

À côté de lui, une fille élégante, au look à la fois classe et rebelle, discutait avec enthousiasme. Elle souriait, touchait légèrement l’épaule d’Ange, visiblement à l’aise.

Gabriel sentit son estomac se nouer.

Ange leva la tête et dit innocemment :

— Elle te cherchait. Elle m’a demandé si tu étais là.

Gabriel plissa les yeux. Un mélange d’étonnement et de gêne le traversa, mais il masqua ses émotions d’un sourire détendu.

— Danielle…

Il s’approcha, la salua d’une main presque nerveuse.

— Je ne pensais pas que tu viendrais.

Danielle lui lança un regard mystérieux.

— Tu sais bien que je viens toujours quand c’est important.

Un silence flotta dans l’air.

Rachelle, quant à elle, sortit des toilettes quelques secondes plus tard, surprise de voir Danielle à table. Un petit sourire hypocrite apparut sur ses lèvres, mais ses yeux lançaient des éclairs silencieux à Gabriel.

La soirée venait de changer de ton.

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