6 – Ce n'est pas de ta faute
J'avais ma boîte en fer. Dedans, tout ce que j'aime. Tout ce que mes "œuvres" détestent.
Bistouris. Gilet. Invitation. Et surtout… mon couteau chauffant.
C'est simple : branché à une prise, il chauffe, et croyez-moi… il glisse dans la chair comme dans du beurre. Plus jouissif que tous les jouets du monde.
Maman, elle, était assise sur une chaise en chêne, nue, bâillonnée.
Je l'avais laissée ainsi depuis hier. Les jambes écartées, comme une prostituée fatiguée de son métier.
Pas question de l'emmener dans ma grotte, là où je garde les autres. Non. Elle, c'était… privé. Intime. Rien que pour elle.
Je sais, je sais… je suis un enfant attentionné.
J'avais faim. Alors je me suis assis devant elle. J'ai mangé, pendant qu'elle me fixait de ses yeux implorants. Elle suppliait sans un mot. Une vraie mère… toujours en train de vouloir nourrir ses enfants, même quand c'est elle qui crève de faim.
GRÉY :
— « Ma maman chérie… tu as faim ? »
J'ai ri. Oh que j'ai ri ! C'était tellement absurde de lui demander ça alors qu'elle n'avait rien avalé depuis trois jours.
Mais ce n'est pas ma faute… Les gens attachés n'ont jamais eu d'humour. Moi, je suis drôle.
Ses yeux étaient épuisés. Son regard ? De la douleur pure. Mais… qu'est-ce que c'était beau.
GRÉY :
— « Au fait, maman… Murielle m'a donné du gâteau à la viande. »
Je lui ai retiré le bâillon. J'ai desserré ses chaînes. Elle a inspiré comme si elle renaissait. Même l'odeur moisie de la pièce ne semblait plus l'écœurer. Je lui ai tendu le gâteau.
Elle l'a dévoré. Pauvre Virginie… Tu as donné la vie à celui qui va te la reprendre.
GRÉY :
— « Doucement ! Tu veux t'étouffer ? Mourir d'un gâteau à la viande ? Ce serait du gaspillage, tu ne trouves pas, maman ? »
Elle s'est figée. Un frisson dans tout son corps. Puis, elle m'a fixé. Longtemps.
Virginie :
— « Tu m'as déjà tuée, GRÉY. Ou bien… tu crois que ça, c'est encore de la vie ? Sache-le… toi aussi tu mourras. Et ce jour-là… tout le monde rira ! Ils béniront le ciel quand ils t'auront vu crever comme un chien. Oh GRÉY… si Dieu existe… je te maudis ! Je te maudis ! Je te maudis ! »
Elle le répétait, encore et encore.
Moi ? J'ai juste noté mentalement : Ne plus jamais donner du gâteau à une victime. Ça les rend hystériques.
GRÉY :
— « T'as fini ? Parce que c'est sympa, mais j'ai un rendez-vous… »
Elle a baissé la tête. Son souffle tremblait.
Virginie :
— « Pourquoi tu fais ça… ? »
GRÉY (soupirant) :
— « Et ça change quoi pour toi ? T'es là, enchaînée. C'est ta place. Et toi, tout ce que tu veux… c'est comprendre ? »
Virginie (les larmes aux yeux) :
— « Je… je ne sais même pas où j'ai échoué… Pourquoi tu ne me tues pas ? »
GRÉY :
— « Moi non plus. Peut-être que j'y arrive pas… Ce n'est pas ta faute, maman. »
Je me suis approché. J'ai pris ses mains.
GRÉY (d'une voix basse) :
— « Tu n'as rien à te reprocher… Je suis juste… un mélange de… »
J'ai arrêté là. Inutile d'expliquer. Même moi, je ne savais pas vraiment.
Je ne pouvais pas la tuer. Pas encore. C'était ma limite.
Virginie (reprenant son souffle) :
— « Ils t'auront… Et libérer Lucy… c'était ta pire erreur. »
GRÉY :
— « Oh… tu utilises mes propres confidences contre moi ? Réfléchis plutôt à pourquoi j'ai fait ça. »
Elle a écarquillé les yeux. Compris.
Virginie :
— « Non… Non, dis-moi pas que… Tu voulais qu'elle alerte la police ? Qu'ils trouvent ta grotte ? »
J'ai souri.
GRÉY :
— « Les corps commençaient à s'accumuler. Fallait bien… faire de la place. »
Elle s'est effondrée. Pleureuse. Elle avait cru que j'avais fait ça pour elle… juste parce qu'elle m'avait supplié.
Virginie :
— « Monstre… »
Oui, maman. Un monstre. Mais ton monstre.
7 – La rencontre avec Jacques (corrigé et ultra fidèle)
La forêt de Longston s'étendait devant eux comme une mer noire. Le ciel était lourd, couvert de nuages qui étouffaient toute lumière.
Les gyrophares des véhicules de police projetaient des reflets rouges et bleus contre les troncs humides. Des radios grésillaient. Les chiens de la brigade reniflaient frénétiquement le sol. L'air sentait la terre, le bois pourri… et la tension.
Lucy, encore marquée par ce qu'elle avait vécu, était assise dans la voiture d'Evan. La portière claqua. Evan contourna le véhicule, ouvrit l'arrière et en sortit la chaise roulante. Ses gestes étaient rapides, précis.
À quelques mètres, Jacques, volontaire parmi les renforts, observait la scène. Grand, solide, mais le regard marqué par les enquêtes qu'il avait déjà vécues. Il s'avança.
Jacques :
— « Puis-je vous aider ? »
Evan leva les yeux, surpris.
Evan :
— « Non… c'est bon, merci. » Il força un petit sourire avant de déplier la chaise.
Lucy, impatiente, frappa légèrement la vitre.
Lucy :
— « Evan ! Dépêche-toi… »
La voix de Lucy tremblait d'impatience et de colère mêlées. Elle n'avait pas le temps pour les politesses. Jacques s'approcha tout de même, comme s'il avait besoin de dire quelque chose.
Jacques :
— « Bonsoir, madame. Je suis Jacques. Je sais ce que vous avez subi… et je suis désolé. »
Lucy ne leva même pas les yeux vers lui.
Lucy (froidement) :
— « Merci. Mais si vous voulez vraiment m'aider… arrêtez cet homme. C'est tout ce qui compte. »
Jacques hocha la tête, respectueux, mais il insista d'un ton calme :
Jacques :
— « Je comprends. Mais… juste une dernière chose. »
Lucy tourna brusquement la tête vers lui. Son regard était glacé.
Lucy :
— « Une seule question. Après ça, vous me laissez tranquille. »
Jacques :
— « Comment avez-vous fait… pour vous échapper ? »
Lucy eut un petit rire amer.
Lucy :
— « C'est ça, votre question ? Vous êtes le millième à me la poser… »
Jacques :
— « Je sais… mais j'ai besoin de l'entendre de vous. »
Elle soupira, agacée, puis répondit :
Lucy :
— « Il… il a oublié de fermer le verrou avec la clé. C'est tout. Je n'aurais jamais dû sortir vivante de cet enfer… »
Un silence pesant tomba. Jacques fronça légèrement les sourcils, réfléchissant. Il recula d'un pas, comme s'il venait de connecter quelque chose.
À ce moment-là, Evan arriva enfin avec la chaise roulante.
Evan :
— « Chérie… attention, je vais te soulever. »
Jacques recula définitivement, sans rien ajouter. Il rejoignit rapidement le groupe d'enquêteurs qui se rassemblait plus loin.
Lucy, les yeux rivés sur lui, chuchota à Evan :
Lucy :
— « Il sait quelque chose. »
Evan haussa les épaules.
Evan :
— « Peu importe. Ce qui compte… c'est qu'ils l'attrapent. Grâce à toi, ils ont une piste. »
Lucy serra les accoudoirs de sa chaise, le regard fixé sur la forêt.
Lucy (bas) :
— « C'est pas assez »
8 (la battue)
Quelques minutes plus tard, ils étaient dans le bain. Rory avait décidé qu'à cause de son handicap, Lucy devait les guider par un drone.
Lazare, le technicien du S.H.A.R.D, était assigné au rôle consistant à permettre à Lucy d'avoir une vue et une voix fortes, guidant les officiers dans la forêt à travers les ondes radios.
L'opération était lancée ! Les drones étaient envoyés dans la forêt de Longston, donnant des points de vue différents retransmis sur le grand écran.
Sur le terrain, Richard, Loïc et tous les districts suivaient les orientations. Ils avançaient progressivement dans la forêt, suivant les drones.
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Loïc :
— « Cette forêt est vraiment digne d'un tombeau... Aucun moyen d'échapper à un tueur. Surtout dans la nuit, et lorsqu'on est blessé. »
Richard :
— « Oui, cette humidité rend le tout plus lugubre. »
Brigade canine :
— « Et le pire, c'est que le vent change et que l'eau contenue dans l'air rend la traque plus difficile. Je sais que ce tueur mène la police depuis déjà trois mois mais c'est toujours une surprise de suivre la piste de ce crime. »
Bill du SWAT :
— « C'est juste un malade. Il y a des gens encore pires que lui. »
Richard :
— « C'est parce que tu n'as pas vu comment il détruit ses victimes... Comme des jouets. Tu as lu le dossier Lucy Logan ? »
Bill du SWAT :
— « Non. Je ne suis pas dans l'affaire, je ne suis qu'un volontaire. On a reçu une demande de renforts et puis j'ai accepté. »
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La traque continuait dans la nuit. Les agents coupaient l'obscurité avec des lampes torches. Les pas et les signes secrets les accompagnaient. C'était coordonné : chacun savait ce qu'il devait faire et comment le faire.
Rory prit sa radio pour changer de stratégie, car cela faisait déjà beaucoup de temps que Lucy essayait de se souvenir, mais cela ne servait à rien.
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Rory :
— « Bon, ça fait déjà 30 minutes que vous suivez les drones. Vous allez vous séparer en plusieurs équipes. Chaque équipe sera constituée d'un membre de la brigade canine et de 5 volontaires. Compris ? »
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En entendant cela, Lucy prit la main de son mari Evan. Des larmes se mirent à couler sur ses joues.
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Lucy :
— « J'ai échoué... Je n'y arrive pas. »
Evan :
— « Ne dis pas ça Lucy. Tu as fait de ton mieux. »
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Rory se rapprocha d'elle et, d'une voix tendre :
Rory :
— « C'est grâce à vous que nous avons une chance de sauver beaucoup de personnes. Des familles sont là chez elles et peuvent encore espérer voir leurs proches grâce à vous. »
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La battue continuait dans la forêt. Il y avait deux équipes : ceux sur le terrain et les quelques autres dans la tente supervisant l'opération.
Dans la fraîcheur humide de la forêt, les forces de l'ordre et les agents du S.H.A.R.D avançaient dans les profondeurs d'un monde inconnu.
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Brigade canine :
— « Le chien semble avoir reniflé quelque chose à l'opposé du chemin que nous demandent de prendre les drones. »
Loïc saisit sa radio.
Loïc :
— « Nous continuons la battue, mais les chiens semblent avoir repéré quelque chose. En tant que responsable de cette équipe, je propose d'arrêter de suivre les drones et de suivre les chiens. »
Rory :
— « Êtes-vous sûr de votre demande ? »
Loïc tourna la tête vers l'agent de la brigade canine, comme pour lui demander si la piste était sérieuse.
Loïc :
— « Oui ! J'ai confiance en mes chiens. »
Brigade canine :
— « La piste est sûre. »
Rory :
— « Ok, vous avez le feu vert. »
Rory rappuya sur la radio.
Rory :
— « Bon, à toutes les équipes, suivez l'équipe 36 en direction nord-est. Les chiens ont repéré une piste. Seules les équipes 29, 04, 55, 18, 03 et 60 restent dans leur zone et suivent les drones dans l'éventualité d'une erreur. Fin de la transmission. »
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Michael était près de Rory, observant et donnant des directives aux agents restés ici. Il se rapprocha de Rory et, d'une voix discrète, murmura :
Michael :
— « Rory, je pense qu'il y a quelque chose qui ne va pas. »
Rory :
— « Je sais... Depuis que l'on a commencé cette affaire, cela n'est jamais arrivé. Il n'a jamais laissé partir quelqu'un. C'est notre seule chance de vraiment mettre la main sur lui. »
Michael :
— « Oui... ou bien c'est un piège... »
Rory :
— « Tu penses que le tueur aurait fait un piège ? »
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Aussitôt la question posée, la radio se mit à grésiller.
Radio :
— « Ici l'hélicoptère 7. Nous avons trouvé une grotte à 15 kilomètres plus haut. Le tunnel de l'ancienne mine de la ville. »
Rory :
— « C'est l'hélicoptère 7 ! »
Michael :
— « Lazare, affiche le visuel de l'hélicoptère numéro 7 en plein écran ! » dit-il d'un ton pressé.
Lazare :
— « Ok, voici. »
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D'un coup, Lucy revit, elle avait reconnu le lieu : la grotte.
Lucy :
— « C'est là. C'est cette grotte. C'est là où il retient les autres, où il a tué Tane. »
L'hélicoptère s'approcha avec les projecteurs allumés.
Pilote 7 :
— « Je m'approche pour un meilleur rendu. »
Rory :
— « Non ! Restez où vous êtes. Des équipes sont déjà sur la même position... Euh, vous avez combien d'agents à bord ? »
Pilote 7 :
— « Ehh... Disons deux, mais ils sont prêts à intervenir. »
Rory :
— « Non, ça pourrait être un piège. »
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De son côté, Michael était sorti préparer une équipe de deuxième vague. Les hélicoptères étaient déjà prêts, les rotors tournoyaient de plus en plus vite.
Les agents de la seconde vague, ou brigade B comme on les appelle dans le jargon du S.H.A.R.D, étaient là. Ils se sont immédiatement préparés sans avoir reçu d'ordre : ils sentaient que c'était à eux de jouer.
D'un coup, Michael sortit de la tente.
Michael :
— « Équipe B10, B07, B40 et B02 en route ! Go ! Go ! Go ! »
Il hurla ces mots de toutes ses forces.
9 (la grotte)
Au centre de la grotte, il y avait une silhouette.
Un homme assis sur une chaise… de dos.
L'air était saturé d'une odeur de sang et de chair en décomposition. Chaque inspiration donnait l'impression que la mort elle-même se glissait dans les poumons.
Jacques fit un pas en avant, ses bottes s'enfonçant dans une boue rougeâtre formée par un mélange de terre humide et de sang séché. Il serra les dents puis, d'un geste prudent, il jeta une pierre dans la grotte.
Silence.
Pas de détonation.
Pas de piège.
Ils entrèrent, en formation déployée. Chacun couvrait l'autre. Leurs lampes torches découpaient la noirceur de la caverne.
Puis, l'horreur se révéla.
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Le sang tapissait le sol comme un tapis grotesque. Des morceaux de corps humains étaient éparpillés, épargnés de toute dignité : des yeux fixant le vide, des doigts crispés comme s'ils avaient tenté de s'accrocher à la vie, des mèches de cheveux collées contre la roche.
Certains crânes semblaient avoir été fendus et vidés… Des mouches, attirées par la puanteur, tournaient en essaims dans l'air étouffant.
Un des volontaires vomit aussitôt, le bruit de ses haut-le-cœur résonnant sinistrement dans la grotte.
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Agent SWAT :
— « Mon… mon dieu… »
Jacques :
— « Restez concentrés. Avancez ! »
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Ils approchèrent de la silhouette immobile. L'homme ne bougeait toujours pas.
Jacques (arme pointée) :
— « Monsieur, les mains sur la tête ! »
Pas de réponse.
Jacques :
— « Je répète ! Les mains en évidence ! »
Toujours rien.
Jacques s'avança encore, lentement. Ses pas écrasaient des ossements qui craquaient sous ses semelles, chaque son résonnant comme un écho macabre.
Un agent le couvrait, tremblant malgré son entraînement. Puis Jacques fit le tour de la chaise… et découvrit l'indicible.
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L'homme était mort.
Sa gorge avait été tranchée d'une oreille à l'autre. Sa tête pendait en arrière, retenue par quelques lambeaux de chair. Ses yeux étaient écarquillés, figés dans une terreur éternelle.
Sur sa main droite, gravée au couteau, une phrase :
« Lire la vidéo ».
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Dans la tente, en observant la scène via les caméras portatives, tout le monde resta figé. Même Lucy se couvrit la bouche de ses mains, incapable de retenir un cri étouffé.
Un des techniciens détourna le regard, pâle comme un cadavre.
Rory :
— « … C'est une signature. »
Michael :
— « Non… C'est un avertissement. »
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Un des agents approcha du corps et remarqua une clé USB coincée dans la bouche du cadavre.
Jacques :
— « Mon dieu… il s'en amuse… »
Il retira la clé avec une lenteur dégoûtée. Le claquement humide qu'elle fit en sortant arracha un frisson général.
Agent SWAT (à voix basse) :
— « Ce type… ce n'est pas un homme… »
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La radio grésilla.
Lucy (haletante) :
— « Ne restez pas là… Ce n'est pas… ce n'est pas normal… Il… il vous regarde. »
Un silence. Puis tous comprirent que Lucy n'avait pas parlé de manière rationnelle. Son ton était celui de quelqu'un qui sentait la présence du mal.
Les murs de la grotte semblaient vivants, maculés de symboles tracés avec du sang.
Et dans le fond… sous un tas de corps, quelque chose bougea.
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Jacques :
— « Bordel… y a quelque chose qui… »
Mais avant qu'il ne termine, un des cadavres roula sur le côté, révélant juste un rat énorme, déchiquetant un morceau de chair humaine.
L'agent SWAT recula en jurant, le visage blême.
Rory (dans la radio) :
— « Sortez de là maintenant. Analyse de la vidéo plus tard. Nettoyage d'abord ! »
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Jacques se redressa, ses yeux rivés sur la chaise ensanglantée.
Jacques (à voix basse) :
— « Ce n'est pas la fin… »
Personne n'osa répondre. Mais tous savaient qu'il avait raison.
10 (Mon rendez-vous)
Il était déjà tard… 20 heures.
J'avais une minute de retard.
Je marchais dans les rues presque désertes de la ville, et chaque pas résonnait dans ma tête comme un compte à rebours. Les néons des réverbères grésillaient parfois, projetant des ombres qui semblaient m'observer.
Je devais retrouver la seule personne de ma famille qui n'avait jamais complètement coupé les ponts avec moi. Maya.
Maya…
Elle avait toujours été différente. Titulaire d'un doctorat en histoire, enseignante dans une grande université. Sa voix avait ce pouvoir étrange : elle calmait les tempêtes. Même dans mon monde saturé de sang et de cris, elle restait… un point de lumière.
Je la vis, assise à une table, dans ce petit café discret. La pluie martelait doucement la vitre derrière elle.
Elle leva les yeux.
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Maya :
— « Bonsoir… GRÉY. Comment tu vas ? »
Je m'assis face à elle. Son regard était doux, mais derrière ses yeux, je voyais une lueur inquiète.
GRÉY :
— « Disons… que la vie me déteste. Après la mort de Mika quand on était enfants… et maintenant, mes parents. »
Maya soupira. Elle joignit ses mains, ses doigts tremblaient à peine.
Maya :
— « Je comprends. Le destin est… cruel. Depuis l'accident avec Mika… j'ai mis des années à respirer normalement. »
GRÉY :
— « Oui… Mais toi… tu ne m'as jamais accusé de la mort de ta sœur jumelle. »
Maya :
— « Parce que tu n'y es pour rien. »
Elle marqua une pause.
Sa voix se fit plus basse.
Maya :
— « La famille te déteste, mais… à part nous deux… personne ne connaît la vérité. »
Je souris légèrement. Pas un sourire de joie. Un sourire froid, mécanique.
GRÉY :
— « Tu as beaucoup changé. »
---
Maya baissa les yeux. Elle remua sa tasse de café sans y toucher.
Maya :
— « Et toi… tu n'as pas changé. »
Ses mots n'étaient ni une accusation… ni un compliment.
Ils flottaient entre nous comme une constatation.
Je me penchai légèrement vers elle.
GRÉY :
— « Maya… »
Mais je m'interrompis.
Car, derrière elle… à travers la vitre…
J'eus cette impression étrange.
Dans la rue, sous la lumière vacillante d'un réverbère, quelqu'un se tenait debout. Immobile.
Une silhouette.
Sans visage.
Je clignai des yeux… et elle avait disparu.
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Maya (d'une voix douce) :
— « Qu'est-ce qu'il y a ? »
Je détournai le regard.
GRÉY :
— « Rien… »
Mais dans ma tête, ce n'était pas rien. C'était comme si la forêt m'avait suivi. Comme si chaque cri, chaque corps laissé derrière moi… avait trouvé un moyen de me hanter.
Maya posa sa main sur la mienne.
Maya :
— « Je sais que tu souffres. Mais je suis là. »
Je souris.
Un sourire vide.
GRÉY :
— « Oui… toi, tu es là. »
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11 (La vidéo)
L'écran grésilla. La caméra filmait en plan fixe l'intérieur d'une pièce obscure, ses murs suintant d'humidité. Le corps sans vie de l'homme retrouvé dans la grotte était assis sur une chaise, la gorge tranchée, mais ses yeux vitreux fixaient encore l'objectif… comme s'il voulait parler même après sa mort.
Puis la vidéo démarra. Sa voix résonna, déformée par un écho mécanique, presque inhumaine :
— « As-tu déjà eu l'impression… de ne pas exister ? Que tout ce que tu fais ne te procure rien… ni joie, ni tristesse. Rien. Juste le vide. »
Son ton n'était ni rageur, ni triste. Il parlait calmement, trop calmement… ce qui glaça le sang de tous ceux qui l'écoutaient. Dans la tente, même Lucy baissa légèrement les yeux, les poings serrés.
— « Mais tu restes lucide… parfaitement lucide. Comme si tu vivais dans un corps qui n'est pas le tien… Comme si quelqu'un d'autre faisait tout à ta place… et toi, tu regardes, impuissant. »
À l'écran, un bruit métallique : cling… cling… On ne savait pas d'où il venait. L'image se brouilla un instant, et derrière la silhouette de l'homme mort, des ombres semblaient bouger. Illusion ou réalité ?
— « Et puis un jour… par accident… tu découvres une sensation. La première depuis que tu as vu le jour. »
Il marqua une pause. Un sourire se dessina sur ses lèvres, figé, presque irréel.
— « Elle est comme un cadeau. Tu veux qu'elle dure… mais elle disparaît. Alors tu cherches à la retrouver. Et tu sais comment faire. »
Dans la tente, un silence de mort. On n'entendait plus que les respirations haletantes des agents. Lucy trembla légèrement et Evan lui prit la main, mais elle ne la retira pas.
— « Mais comme chaque chose… il faut payer le prix. Et le prix… c'est d'arracher cette sensation aux autres. »
Un bruit sec coupa ses mots. Une chaise qu'on traîne. Puis un son lointain, étouffé… un cri. Un cri déchiré, presque animal, qui résonna dans la vidéo comme un écho d'outre-tombe.
— « Tu as mal, parce que tu sais que c'est égoïste… Mais tu continues. Parce que toi… toi aussi… tu veux vivre. »
La caméra bougea légèrement, comme si quelqu'un derrière l'objectif s'était approché. On distingua alors les murs derrière l'homme : tâchés de sang, couverts de marques de griffes, et… des morceaux de ce qui semblait être des doigts collés comme un macabre trophée.
— « Le temps passe… et la sensation disparaît à nouveau. Alors tu recommences. Encore… et encore… jusqu'à ce que tout le reste ne soit plus qu'un bruit de fond. Et un jour… »
Il pencha la tête sur le côté. Ses yeux morts fixèrent encore la caméra, comme si l'enregistrement n'avait jamais cessé de le hanter.
— « …tu comprends enfin. Tu ne veux pas être sauvé. Tu veux être… libre. »
À cet instant, l'écran se coupa. Une seule phrase apparut en lettres rouges tremblantes :
"Bienvenue dans ma vie."
Lucy écarquilla les yeux. Rory recula d'un pas, et même Michaël serra les dents.
— « … Bordel… » souffla Richard, livide.
Dans le silence qui suivit, un bourdonnement faible, presque imperceptible, résonna encore dans les enceintes. Comme un murmure lointaine