Seoul, Hansung University, 27 juillet 2030, 22h09.
Han Ji Hoon, étudiant surdoué en troisième année, rangeait méticuleusement ses affaires dans son appartement. Ses gestes étaient rapides, précis, comme s’il accomplissait une tâche parfaitement ordonnée dans un monde où la perfection intellectuelle était la seule règle. Il avait le regard fatigué, mais ses mains étaient agiles, concentrées sur l’assemblage de son équipement de réalité virtuelle. Cela faisait des semaines qu’il attendait ce moment : le tout premier jeu Full-Dive allait enfin sortir ce soir.
À l’université, l'effervescence autour de cette révolution technologique était palpable. Les autres étudiants en parlaient sans cesse, leurs conversations animées couvrant chaque aspect du jeu, ses promesses, et la possibilité de vivre une aventure immersive. Mais Ji Hoon n’était pas comme eux. Il ne s'intéressait pas aux détails de la publicité et des campagnes marketing. Lui, c’était l’intellect. L’analyse. Le système. Il avait étudié chaque ligne de code de ce futur jeu, plongé dans les forums, et scruté des dizaines de milliers de pages sur sa structure.
À 23h, il ferma tous ses autres appareils : son téléphone, son ordinateur portable, tout ce qui pouvait l’interrompre. Il n’était plus qu’un électron concentré, prêt à se connecter. Le casque VR et les gants de plongée attendaient sagement sur le bureau. Il les posa sur sa tête et enfila les gants, ajustant chaque détail avec une précision maniaque. Son cœur battait plus fort. C’était un moment unique.
En temps normal, Ji Hoon n’était pas quelqu'un qui se laissait emporter par les masses. Il était introverti, un solitaire par choix. Mais ce jeu… ce jeu était différent. C’était la porte vers un monde qu’il avait toujours rêvé de comprendre et d’explorer. Un monde où les lois de la réalité pouvaient être manipulées par l’intellect, un monde qui, pour lui, avait une beauté mathématique. Ætherion.
Alors qu’il s'apprêtait à explorer les premières secondes du jeu, une alerte sonore sourde le fit sursauter. Il avait déjà lancé le jeu, exactement à 00h00, impatient, incapable d’attendre une minute de plus. Mais en relevant la tête, une notification apparut sur l’interface de son casque VR. Elle semblait avoir été envoyée une heure plus tôt, à 23h00.
Alerte de dernière minute : Ne vous connectez pas à Ætherion. Une anomalie a été détectée dans le code, ce qui entraînera l'arrêt temporaire du système. Nous vous recommandons de ne pas participer au lancement. Nous vous informerons des prochaines étapes.
Ji Hoon sentit son cœur rater un battement.
— Une anomalie ? pensa-t-il, glacé.
Il n’avait pas vu la notification à temps. Le jeu était déjà lancé. Et désormais… c’était trop tard.
Les premières secondes étaient floues. Tout autour de lui était noir. Puis, un flash de couleur violacée illumina l’obscurité. La douleur d’une transmigration se fait sentir dans chaque fibre de son corps, comme si son âme était déchirée et recollée avec violence. Son cœur tambourinait contre sa poitrine tandis que des milliers de données l’envahissaient, l' organisaient, l’effaçaient presque.
Une voix froide, métallique, se fit entendre dans son esprit :
{ Bienvenue, joueur [Khaevar Lokhzel]. Classe : aucun. Race : Barbare }
Le vertige se dissipa lentement. La douleur s’estompa, laissant place à une nouvelle sensation : la chair d’un géant. Son corps était différent. Il n’était plus humain. Ses bras étaient comme des colonnes de marbre sculptées, ses mains puissantes, ses doigts longs et redoutables. Il se redressa lentement. Ses yeux s’écarquillèrent.
2m40. Que…
Il regarda ses mains, puis son torse sculpté en V, son corps parfait, sa silhouette imposante. Il est devenu un géant. Ses cheveux noirs, épars et ébouriffés, formaient une crinière sauvage autour de son visage. Ses yeux, d’un rouge écarlate effrayant, brillaient dans l’obscurité. Il était beau, impressionnant, divin, et pourtant…
Il n’était pas lui-même.
Une main se leva instinctivement pour saisir son visage, sa mâchoire carrée, ses traits parfaits, un reflet d’une identité qu’il n’avait jamais eue. Cela n’avait rien de naturel. Ce n’était pas son corps. C’était celui d’un barbare. Khaevar Lokhzel. Ce nom… lui appartient désormais.
Le monde s’ouvrit devant lui.
Mais il ne se tenait pas seul au cœur d’une forêt ou d’un champ de ruines. Non.
Il se tenait debout, nu sous une cape en peau de bête, au centre d’un cercle tribal, entouré d’hommes et de femmes massifs, à la musculature bestiale et aux visages peints de symboles anciens. Des cris rauques, des percussions tribales et des danses frénétiques formaient un tumulte sacré tout autour de lui. L’odeur du sang, de la sueur et du feu envahissait l’air.
Il se trouvait en plein cœur d’un rite de passage tribal. Un ancien rituel barbare que chaque jeune atteignant une âge entre vingt à vingt-cinq ans après avoir atteint le niveau 10 devait traverser. À cet instant précis, les initiés — les jeunes guerriers — recevaient leur nom véritable, et choisissent leur arme de vie : celle qui les accompagnerait dans les donjons, labyrinthes, et failles du monde d’Ætherion, afin de se forger un destin et gagner leur vie dans ce monde brutal.
Les tambours battirent plus fort.
Un ancien barbare, torse nu, la peau tannée par les guerres passées, s’approcha de lui. Ses yeux blancs comme la cendre ne voyaient plus ce monde, mais son esprit percevait les âmes. Il tendit un bras noueux vers Ji Hoon, ou plutôt vers celui qu’il était devenu.
« Khaevar Lokhzel, né de la Brume et du Fer… Choisis. »
Devant lui, posées sur un autel de pierre brute, une vingtaine d’armes attendaient. Des haches titanesques, des marteaux antiques, des épées tordues comme des crocs, des chaînes noires imprégnées de ruines oubliées. Chacune vibrait d’une aura différente. Chacune semblait vivante.
Ji Hoon — ou désormais Khaevar — avança lentement, les yeux rouges scrutant chaque arme. Son cœur battait, non pas de peur, mais d’un feu qu’il n’avait jamais connu. L’instinct. La violence. La promesse d’un monde où la pensée seule ne suffirait pas… mais où il pourrait reconstruire des lois dans le chaos.
Il tendit la main vers une arme…
Et le monde d’Ætherion se mit à trembler.
Quelques minutes plus tôt…
« Où suis-je ? Ne me dites pas que je suis dans le jeu, c'est beaucoup trop réaliste.
Où… où suis-je ? »
Ses yeux balayèrent les environs.
« Non… non non non… Ne me dites pas que je suis vraiment dans le jeu… »
Il porta la main à sa poitrine. Il sentait les battements lourds de son cœur. La chaleur du vent. L’odeur de la terre.
C’était bien trop… réaliste.
Il ferma les yeux, inspira profondément.
« OK. Calme-toi. Respire. Ne panique pas. »
Pense. Analyse. Il y a forcément une explication logique à tout ça…
« Essayons d'abord de se déconnecter… » pensa-t-il, tout en cherchant frénétiquement le bouton de déconnexion.
Rien.
Aucun écran. Aucun menu. Aucun HUD.
Peut-être fallait-il le prononcer ?
— « Déconnexion ! »
— « Déconnexion !! »
— « DÉCONNEXION !!! »
Son cœur s’emballa. Une sueur glacée coula le long de sa tempe.
Impossible…
— « C’est… c’est impossible… » murmura-t-il, la gorge serrée.
— « Je… je ne peux pas être coincé dans ce jeu hostile… Je n’y survivrai sûrement pas… »
Il s’interrompit net. Une étincelle traversa son esprit.
Attends… Coincé dans un jeu… mais un jeu dont je connais absolument tout. Et dans le corps d’un barbare…
Il baissa les yeux vers ses bras massifs.
Chaque muscle semblait sculpté dans la roche. Une force brute pulsait en lui, prête à être libérée.
Non seulement j’ai la force… mais aussi le savoir.
Si je combine les deux… survivre dans ce monde ne sera pas si difficile.
Un sourire se dessina lentement sur son visage.
— « Pourquoi n’y ai-je pas pensé plus tôt… »
Comme tous les otakus, j’ai souvent rêvé de me réincarner dans un monde de fantasy ou autres… Et aujourd’hui, ce moment est enfin arrivé.
Alors au lieu de paniquer… je devrais plutôt me réjouir.
Ce monde, je le connais par cœur : les failles du système, les techniques de cheat, les quêtes cachées, les boss secrets, les zones interdites… Rien ne m’échappe.
Et maintenant, avec ce corps de barbare taillé pour la guerre, combiné à mon intelligence et à mes connaissances de joueur, je suis sûr d’une chose…
Je peux survivre. Non… mieux que ça : je dominerai ce monde!!
Les tambours battirent plus fort.
Un ancien barbare, torse nu, la peau tannée par les guerres passées, s’approcha de lui. Ses yeux blancs comme la cendre ne voyaient plus ce monde, mais son esprit percevait les âmes. Il tendit un bras noueux vers Ji Hoon, ou plutôt vers celui qu’il était devenu.
« Khaevar Lokhzel, né de la Brume et du Fer… Choisis. »
Devant lui, posées sur un autel de pierre brute, une vingtaine d’armes attendaient. Des haches titanesques, des marteaux antiques, des épées tordues comme des crocs, des chaînes noires imprégnées de ruines oubliées. Chacune vibrait d’une aura différente. Chacune semblait vivante.
Un choix.
Un pacte.
Un destin.
Ji Hoon — ou désormais Khaevar — avança lentement, les yeux rouges scrutant chaque arme. Son cœur battait, non pas de peur, mais d’un feu qu’il n’avait jamais connu. L’instinct. La violence. La promesse d’un monde où la pensée seule ne suffirait pas… mais où il pourrait reconstruire des lois dans le chaos.
Il tendit la main vers une arme…
Son regard s’arrêta sur l’une d’entre elles.
Une hache-marteau de guerre. Immense.
Le métal était noirci, marqué de runes anciennes à moitié effacées.
Elle n’appelait pas…
Elle exigeait.
Khaevar tendit la main.
Ses doigts se refermèrent autour du manche rugueux.
Le bois craqua légèrement sous sa poigne.
Un grondement sourd résonna dans l’air — ou dans sa tête ?
Il ne savait pas. Et s’en moquait.
Il souleva l’arme d’un geste fluide.
Aucune résistance.
Aucune lourdeur.
Comme si elle avait toujours été sienne.
Il la fit tournoyer une fois.
Le vent gémit. Les arbres tremblèrent.
Un sourire se dessina sur ses lèvres.
Pas un sourire humain.
Un sourire de prédateur.
— « Khaevar… c’est donc ça, mon nom ici. »
Il ferma les yeux un instant.
— « Alors que ce monde se prépare… à me craindre. »