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Chapter 2 - PREMIERS PAS DANS L'OMBRE

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*« L'éveil d'un prédateur commence toujours par un premier pas dans l'obscurité. »*

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Le chemin de retour vers la surface se déroula dans un silence tendu. Elena marchait devant moi d'un pas assuré, comme si elle connaissait ces tunnels par cœur, tandis que je la suivais en titubant légèrement. L'énergie que j'avais absorbée de la créature bouillonnait encore dans mes veines, me donnant l'impression d'être électrifié de l'intérieur.

Mes sens étaient... différents. Plus aiguisés. Je pouvais entendre le battement de cœur d'Elena à plusieurs mètres devant moi, sentir l'odeur de son parfum mélangée à quelque chose de plus subtil – son essence vitale, chaude et tentante. Cette pensée me fit frissonner d'horreur.

*Contrôle-toi,* me dis-je. *Ce n'est pas toi. Ce sont ces maudits instincts vampiriques.*

Mais était-ce vraiment si simple ? Une partie de moi, une partie que je préférais ignorer, trouvait cette nouvelle acuité... enivrante.

« Tu vas bien ? » La voix d'Elena me tira de mes pensées sombres. Elle s'était arrêtée près d'une intersection de tunnels, sa silhouette éclairée par la lueur verdâtre de la mousse phosphorescente.

« Je... » Je déglutis péniblement. « Comment fais-tu pour paraître si calme ? Tu viens de voir quelqu'un drainer la force vitale d'une créature jusqu'à la tuer. »

Elle pencha la tête, m'étudiant avec cette intensité troublante que j'avais déjà remarquée. « Parce que j'ai vu bien pire dans mes visions. Et parce que... » Elle hésita un instant. « Parce que ce n'était pas vraiment toi, n'est-ce pas ? Pas entièrement. »

« Qu'est-ce que tu veux dire ? »

« Tu as senti quelque chose d'autre prendre le contrôle, non ? Quelque chose d'ancien. De... familier ? »

Mes mains se mirent à trembler. Comment pouvait-elle savoir ? « Oui, » admis-je dans un murmure. « C'était comme si... comme si quelqu'un d'autre guidait mes mouvements. Quelqu'un qui savait exactement quoi faire. »

Elena hocha la tête, comme si cela confirmait ses soupçons. « Kaelen. Ton ancêtre. Sa mémoire, ses instincts... ils sont gravés dans ton sang, Kain. Ce que tu as ressenti, c'était un écho de ce qu'il était. »

*Kaelen Vorthak.* Le nom résonna dans ma tête comme un gong de guerre. L'empereur vampire, le prédateur légendaire qui avait failli unifier les continents sous sa domination avant d'être assassiné dans son sommeil. Mes parents ne parlaient jamais de lui – personne ne parlait jamais de lui. Pour la plupart des gens, les Vorthak étaient juste une lignée obscure parmi d'autres, pas les descendants d'un tyran sanguinaire.

« Comment sais-tu tout ça ? » demandai-je. « Et ne me dis pas que c'est juste grâce à tes visions. »

Un sourire mystérieux étira ses lèvres. « Disons que j'ai eu... beaucoup de temps pour faire des recherches. Quand on passe sa vie à avoir des visions d'un futur possible centré autour d'une seule personne, on finit par s'intéresser de très près à cette personne. Et à son héritage. »

Elle reprit sa marche, me laissant digérer cette information. Des visions centrées autour de moi ? Depuis combien de temps Elena Drakemoor surveillait-elle ma pathétique existence ?

Nous émergâmes finalement dans une section plus moderne des souterrains – un réseau de tunnels d'entretien qui reliaient les différents bâtiments de l'académie. Des cristaux de lumière magique diffusaient une lueur douce et constante, un contraste saisissant avec l'obscurité naturelle des égouts anciens.

« Voilà qui est mieux, » murmura Elena en s'arrêant près d'une intersection bien éclairée. « Maintenant, nous pouvons vraiment nous voir. »

Elle se tourna vers moi, et je vis ses yeux s'écarquiller légèrement. « Oh. Kain... tes yeux. »

« Qu'est-ce qu'ils ont, mes yeux ? »

Elle sortit un petit miroir de sa poche – le genre que les jeunes filles utilisent pour vérifier leur coiffure – et me le tendit. « Regarde. »

Je pris le miroir d'une main tremblante et l'approchai de mon visage. Mon reflet me renvoya un regard que je ne reconnus pas immédiatement. C'était toujours moi, mais... différent. Plus pâle, plus défini. Et mes yeux...

Mes yeux, habituellement d'un brun terne, étaient maintenant striés de filaments rouges. Pas complètement rouges – pas encore – mais suffisamment pour que la transformation soit visible.

« C'est permanent ? » Ma voix était à peine un souffle.

« Je ne sais pas. » Elena récupéra le miroir et le rangea. « Mais c'est un signe que ton éveil progresse plus vite que prévu. Nous allons devoir accélérer ton entraînement. »

« Mon entraînement ? »

« Tu ne pensais tout de même pas que tu allais maîtriser tes nouveaux pouvoirs par magie ? » Elle se mit à marcher le long du tunnel, et je lui emboîtai le pas. « Être un vampire ne se résume pas à drainer de l'énergie au hasard, Kain. C'est un art. Une science. Et sans formation appropriée... »

« Quoi ? Je deviens fou ? Je tue des innocents ? »

« Ou tu meurs. » Sa voix était devenue froide, clinique. « Les vampires qui ne contrôlent pas leur soif ont une espérance de vie très courte. Soit ils se vident de leur propre énergie en drainant mal, soit ils attirent l'attention des autorités, soit... »

Elle s'arrêta brusquement.

« Soit quoi ? »

« Soit ils deviennent comme les *autres*. » Son ton suggérait que c'était de loin la pire option.

« Quels autres ? »

Elena me regarda longuement, comme si elle évaluait combien de vérité je pouvais encaisser en une soirée. « Il y a d'autres vampires, Kain. Pas beaucoup, mais ils existent. » Elle hésita, puis sembla prendre une décision. « J'en ai rencontré un, il y a deux ans. Dans des circonstances... difficiles. C'est en partie pour ça que j'ai commencé à étudier sérieusement les lignées obscures. »

« Tu en as rencontré un ? Et tu as survécu ? »

« À peine. » Une ombre passa sur son visage. « Il était... ancien. Puissant. Et complètement dépourvu d'humanité. Le genre de monstre que deviennent les vampires quand ils perdent de vue ce qu'ils étaient avant. »

Un frisson glacé me parcourut l'échine. « Et tu penses que je risque de... »

« Non. » Sa réponse fut si ferme qu'elle me surprit. « Tes visions me montrent ton futur, Kain. Tu ne perds jamais ton humanité. Mais le chemin pour y arriver... disons qu'il ne sera pas facile. »

Nous avions atteint une échelle qui menait vers un conduit d'accès près des dortoirs. Elena commença à grimper, et je la suivis en silence, trop perturbé par ses révélations pour poser d'autres questions.

Quand nous émergâmes enfin à l'air libre, dans une petite cour déserte derrière le bâtiment principal, la lune était haute dans le ciel. L'air nocturne était frais et pur après l'atmosphère confinée des tunnels, mais je remarquai que je n'avais pas froid. Mon corps semblait maintenir une température parfaite automatiquement.

« Il est tard, » observa Elena en époussètant sa robe. « Les dortoirs sont fermés. »

« De toute façon, je n'ai plus de chambre. » L'amertume dans ma voix me surprit moi-même. Avec tout ce qui s'était passé dans les égouts, j'avais momentanément oublié ma situation désespérée.

« Ah oui, c'est vrai. » Elena fronça les sourcils, réfléchissant. « Dans ce cas, tu ferais mieux de venir avec moi. »

« Où ça ? »

« Chez moi. Enfin, dans ma chambre. » Elle leva une main pour prévenir mes protestations. « Pas pour ce que tu penses. Mais j'ai une suite privée – privilège d'être une oracle reconnue par l'académie – et un canapé très confortable. Plus important encore, j'ai une collection de livres sur les lignées obscures qui pourrait t'être utile. »

L'idée de passer la nuit dans la chambre d'Elena me semblait à la fois terrifiante et troublante. Terrifiante parce que je ne savais pas si je pouvais faire confiance à mes nouveaux instincts vampiriques, troublante parce que... eh bien, Elena était belle, intelligente, et probablement la première personne à me traiter comme si j'avais de la valeur.

« Je ne sais pas si c'est une bonne idée, » admis-je. « Cette soif... je peux sentir ton énergie vitale d'ici. Et si je perdais le contrôle ? »

« Tu ne le perdras pas. » Elle dit cela avec une telle certitude que j'eus presque envie de la croire. « Et de toute façon, tu crois vraiment que quelqu'un qui a passé des années à étudier les vampires se laisserait approcher par l'un d'eux sans protection ? »

Elle souleva légèrement sa robe, révélant une dague au manche orné de cristaux violets. « Lame en argent enchantée, » expliqua-t-elle avec un sourire. « Très efficace contre les créatures de l'ombre. »

« Tu comptais t'en servir contre moi si je devenais dangereux ? »

« J'y ai pensé. » Son honnêteté me dérouta. « Mais mes visions m'ont montré que ce ne serait pas nécessaire. Tu es quelqu'un de bien, Kain. Tes nouveaux pouvoirs ne changeront pas ça. »

*Quelqu'un de bien.* Quand était-ce la dernière fois que quelqu'un m'avait dit ça ? Mes parents, peut-être, avant qu'ils ne commencent à perdre espoir en moi. Certainement pas depuis que j'étais arrivé à l'académie.

Une partie de moi voulait la croire. Mais une autre partie – celle qui grandissait avec ma soif vampirique – murmure que peut-être elle se trompait. Que peut-être la bonté était un luxe que les prédateurs ne pouvaient pas se permettre.

« D'accord, » dis-je finalement, chassant ces pensées sombres. « Mais si tu sens que quelque chose ne va pas... »

« Je te plante la dague entre les côtes et j'appelle les autorités. » Son sourire adoucit la brutalité de ses paroles. « Marché conclu ? »

« Marché conclu. »

Le dortoir d'Elena était situé dans l'aile réservée aux étudiants de haut niveau – ceux qui avaient prouvé leur valeur académique ou, dans son cas, leur utilité particulière à l'institution. Contrairement aux chambres spartiates du dortoir général, cette section ressemblait plus à un petit hôtel de luxe.

Elena nous fit entrer par une porte de service qu'elle déverrouilla avec une clé ornée de runes. « Privilèges d'oracle, » expliqua-t-elle. « On me donne beaucoup de liberté en échange de mes services de divination. »

Sa suite était exactement ce à quoi je m'attendais d'une étudiante brillante et indépendante. Un salon confortable avec des fauteuils en cuir près d'une cheminée magique, une alcôve-bureau croulant sous les livres et les parchemins, et ce qui devait être sa chambre derrière une porte fermée.

Mais ce qui attira immédiatement mon attention, ce furent les livres. Ils étaient partout – empilés sur les étagères, posés sur les tables, même arrangés en colonnes précaires sur le sol. Et d'après les titres que je pouvais lire, ils traitaient tous de sujets que l'académie décourageait fortement : *Histoire Secrète des Lignées Obscures*, *Pratiques Vampiriques Avancées*, *Mémoires d'un Empereur d'Ombre*...

« Comment as-tu réussi à rassembler tout ça ? » demandai-je, fasciné malgré moi.

« Années de recherche patiente, » répondit Elena en rangeant soigneusement une pile de parchemins. « Marché noir, collections privées, quelques... négociations créatives avec d'anciens étudiants qui avaient accès à des ressources particulières. » Son sourire était moins innocent que je ne l'aurais cru. « Être une oracle reconnue ouvre certaines portes. Les gens sont prêts à échanger beaucoup contre des prédictions fiables. »

Elle tira un volume particulièrement épais de l'étagère et me le tendit. Le cuir de la reliure était usé mais bien entretenu, et le titre gravé en lettres d'or proclamait : *Les Techniques Fondamentales du Drain Vampirique*.

« Commence par ça, » dit-elle. « C'est la base de tout. Comment channeler ta soif, comment contrôler l'intensité du drain, comment éviter de tuer accidentellement quelqu'un... »

« Tuer accidentellement ? » Je faillis lâcher le livre.

« Oh oui. » Elena s'affala dans un fauteuil et me fit signe de m'asseoir sur le canapé. « C'est l'une des premières choses que tu dois apprendre. Un vampire non entraîné peut facilement drainer quelqu'un à mort en quelques secondes. L'énergie vitale humaine est... addictive. Plus tu en prends, plus tu en veux. Et une fois que tu commences, il faut beaucoup de volonté pour s'arrêter. »

Je m'assis lourdement, le livre serré contre ma poitrine. « Elena... qu'est-ce que je suis en train de devenir ? »

Sa voix se fit plus douce. « Tu deviens ce que tu étais destiné à être depuis ta naissance. Ce que ton sang te permet d'être. » Elle se pencha vers moi, ses yeux verts brillant dans la lumière des cristaux. « La question n'est pas ce que tu deviens, Kain. La question est : qu'est-ce que tu vas en faire ? »

J'ouvris le livre au hasard et tombai sur une illustration détaillée montrant différentes techniques de drain. Mes yeux s'arrêtèrent sur une technique appelée « Drain d'Empathie » – apparemment, il était possible d'absorber non seulement l'énergie vitale de quelqu'un, mais aussi ses émotions et ses souvenirs.

« C'est fascinant et terrifiant à la fois, » murmurai-je.

« Bienvenue dans le monde des lignées obscures. » Elena se leva et se dirigea vers sa kitchenette. « Tu veux du thé ? J'ai une herbe spéciale qui aide à calmer les instincts vampiriques nouvellement éveillés. »

« Tu as une herbe spéciale pour... » Je secouai la tête, dépassé. « Bien sûr que tu en as. Comment se fait-il que tu sois si bien préparée à tout ça ? »

Elena s'arrêta, une bouilloire à la main. « Parce que j'ai passé trois ans à me préparer pour cette nuit. Trois ans à étudier tout ce que je pouvais sur les vampires et les lignées obscures. Trois ans à voir des visions de toi découvrant ta vraie nature. » Elle se tourna vers moi, et son expression était soudain vulnérable. « Tu crois que c'est facile de vivre en sachant qu'un jour, sa vie va être liée à celle d'un quasi-inconnu ? De savoir que ton avenir dépend de quelqu'un qui pourrait très bien te considérer comme folle ? »

Je la regardai vraiment pour la première fois depuis notre rencontre dans les égouts. Elena Drakemoor, l'oracle mystérieuse que tout le monde respectait mais que personne ne connaissait vraiment. Combien de nuits avait-elle passées seule dans cette suite, à étudier des livres interdits et à avoir des visions d'un futur incertain ?

« Ça a dû être solitaire, » dis-je doucement.

« Très. » Elle remplit la bouilloire et la posa sur un petit réchaud magique. « Mais maintenant que tu es là, maintenant que tout commence vraiment... je crois que ça en valait la peine. »

Le thé qu'elle me prépara avait un goût herbacé et légèrement amer, mais presque immédiatement, je sentis la tension dans mes muscles se relâcher. La soif constante qui me tenaillait depuis le drain dans les égouts diminua d'intensité, devenant supportable.

« Qu'est-ce qu'il y a dedans ? »

« Racine de lune-d'argent, feuilles de sommeil éternel, et quelques autres ingrédients que tu ne veux probablement pas connaître. » Elena sirota sa propre tasse. « Ça ne supprimera pas tes instincts vampiriques, mais ça les rendra plus... gérables. »

Nous passâmes l'heure suivante à parcourir le livre ensemble. Elena connaissait déjà la plupart du contenu et me servait de guide, expliquant les concepts les plus complexes et me montrant des illustrations détaillées dans d'autres ouvrages.

J'appris que les vampires avaient cinq sens principaux de drain : le toucher direct (le plus puissant), la proximité (dans un rayon de quelques mètres), l'émotion partagée (drainer l'énergie de quelqu'un en phase émotionnelle intense), le sang (évident mais dangereux), et la connexion spirituelle (réservé aux vampires très avancés).

« Pour l'instant, tu ne devrais t'entraîner qu'avec le toucher direct et la proximité, » conseilla Elena. « Les autres sont trop risqués sans supervision experte. »

« Supervision experte ? Tu veux dire qu'il y a d'autres vampires qui pourraient m'enseigner ? »

« Quelques-uns. Très peu, et ils sont... compliqués. » Son expression s'assombrit. « Il vaut mieux que tu apprennes par toi-même au début. Au moins, je peux te faire confiance pour ne pas essayer de me corrompre ou de me manipuler. »

Cette remarque me fit réfléchir. « Elena... pourquoi fais-tu tout ça ? Et ne me dis pas que c'est juste à cause de tes visions. Il doit y avoir autre chose. »

Elle posa sa tasse et me regarda longuement. Puis, d'une voix si basse que je dus tendre l'oreille pour l'entendre, elle dit : « Parce que j'ai vu ce qui arrive si je ne le fais pas. »

« Qu'est-ce que tu veux dire ? »

« J'ai vu... l'autre futur. Celui où tu découvres tes pouvoirs seul, où tu luttes sans aide, où tu... » Elle déglutit péniblement. « Où tu deviens exactement le monstre que tout le monde pense que les vampires sont. Où tu perds ton humanité pièce par pièce jusqu'à ce qu'il ne reste plus rien de Kain Vorthak. »

Un silence de plomb s'abattit sur la pièce. Dans la cheminée magique, les flammes dansaient en silence, projetant des ombres mouvantes sur nos visages.

« Et dans ce futur-là... qu'est-ce qui m'arrive ? »

« Tu meurs. » Ses yeux verts étaient brillants de larmes contenues. « Tu meurs seul, haï par tous ceux qui ont jamais compté pour toi, et ton nom devient une malédiction qu'on murmure pour effrayer les enfants. »

*Mon nom devient une malédiction.* Comme celui de Kaelen, probablement. L'histoire se répète, génération après génération.

« Mais ce n'est qu'un futur *possible*, » continua-t-elle avec plus de fermeté. « Les visions me montrent les potentialités, pas les certitudes. Et dans tous les futurs où tu survives, où tu deviens quelqu'un de bien et de puissant... je suis là. À tes côtés. »

« Tu veux dire que nous... » Je ne savais pas comment finir cette phrase.

« Je ne sais pas exactement quelle sera notre relation. » Une rougeur délicate colora ses joues. « Mes visions sont parfois floues sur les détails émotionnels. Mais je sais que nous sommes liés, d'une façon ou d'une autre. Nos destins sont entrelacés. »

Je posai le livre sur la table basse et me penchai vers elle. « Elena... merci. Pour tout. Je ne sais pas pourquoi le destin a décidé que tu devais sacrifier trois ans de ta vie à te préparer pour quelqu'un comme moi, mais... je te promets d'essayer d'être digne de cette confiance. »

« Tu l'es déjà. » Elle sourit, et pour la première fois depuis notre rencontre, ce sourire semblait complètement naturel, dépourvu de mystère ou de calcul. « Tu l'es déjà, Kain. »

L'horloge magique sur la cheminée sonna minuit. Elena sursauta légèrement.

« Il se fait tard. Tu devrais essayer de dormir. » Elle se leva et alla chercher des couvertures dans un placard. « Le canapé se transforme en lit – autre avantage des suites de luxe. Demain, nous commencerons ton véritable entraînement. »

« Quel genre d'entraînement ? »

« Contrôle de base, d'abord. Apprendre à drainer juste assez pour te nourrir sans blesser personne. Puis nous passerons aux techniques défensives – comment résister aux tentatives de drain d'autres vampires, comment détecter leur présence. Et ensuite... »

« Ensuite ? »

« Ensuite, nous verrons jusqu'où tes capacités peuvent aller. » Son expression redevint mystérieuse. « J'ai l'impression que tu vas nous surprendre tous, Kain Vorthak. »

Après qu'Elena eut disparu dans sa chambre, je restai allongé sur le canapé transformé, fixant le plafond dans l'obscurité. Les événements de la soirée se bousculaient dans ma tête : l'humiliation de l'arène, la découverte de mes nouveaux pouvoirs, la révélation de mon héritage vampirique, et maintenant cette alliance improbable avec la fille la plus mystérieuse de l'académie.

Vingt-quatre heures plus tôt, j'étais Kain Vorthak, l'échec académique le plus pathétique de sa génération. Maintenant, j'étais... quoi exactement ? Un vampire en herbe ? Le porteur d'un héritage de sang ? Un élément clé dans les visions prophétiques d'Elena ?

Je levai ma main dans l'obscurité et la regardai. Dans la pénombre, ma peau semblait plus pâle qu'avant, et je pouvais sentir l'énergie qui circulait juste sous la surface. Une énergie qui n'était pas entièrement la mienne.

*Kaelen.* Son nom résonnait dans mon esprit comme un écho lointain. Était-il vraiment là, quelque part dans mon sang, dans mes instincts ? Et si oui, qu'est-ce que cela signifiait pour moi ? Pour l'homme que j'allais devenir ?

Dehors, j'entendais les bruits nocturnes de l'académie : des pas de gardes en patrouille, le vent dans les arbres de la cour, le lointain grincement d'une porte qui se fermait. Mais grâce à mes sens nouvellement aiguisés, je captais aussi d'autres sons : des conversations murmurées derrière des murs épais, le frémissement de petits animaux dans les jardins, et même – si je me concentrais – les battements de cœur des dormeurs dans les chambres voisines.

Cette dernière perception me fit frissonner. Chaque battement de cœur était comme un appel, une promesse d'énergie vitale à portée de main. Mais plus troublant encore était le fait que je pouvais maintenant distinguer les différentes "saveurs" de chaque source. Certaines pulsaient d'une énergie pure et claire, d'autres semblaient teintées d'émotions plus sombres. Et toutes me tentaient.

La soif qu'Elena avait calmée avec son thé commençait déjà à revenir, lancinante et persistante. Pire, je commençais à comprendre que ce n'était pas juste de la faim – c'était du désir. Le désir de sentir à nouveau cette ivresse du drain, cette sensation de puissance absolue quand l'énergie vitale d'un autre être coulait en moi.

*Il va falloir que j'apprenne à vivre avec ça,* réalisai-je. Cette faim ne disparaîtrait jamais complètement. Elle ferait partie de moi jusqu'à la fin de mes jours, une compagne constante qui me rappellerait ce que j'étais vraiment.

Un vampire.

Le mot ne me terrifiait plus autant qu'avant. Peut-être parce qu'Elena l'avait prononcé sans dégoût, comme un simple fait. Ou peut-être parce que, malgré l'horreur de ce que j'avais fait à cette créature dans les égouts, je me sentais enfin... complet. Comme si une pièce manquante de moi-même venait de se mettre en place.

Pour la première fois depuis des années, j'avais un objectif. Apprendre. Grandir. Maîtriser ces nouveaux pouvoirs. Et peut-être – peut-être – devenir quelqu'un dont je pourrais être fier.

Quelqu'un digne du nom de Vorthak.

Je finis par m'endormir, et mes rêves furent peuplés d'ombres dansantes et d'yeux rouges qui me regardaient avec quelque chose qui ressemblait étrangement à de l'approbation.

Dans la chambre voisine, Elena était également éveillée, fixant elle aussi le plafond. Mais contrairement à moi, elle ne pensait pas au passé ou au présent. Ses yeux verts brillaient dans l'obscurité, et derrière ses paupières closes, des visions défilaient comme des fragments de films.

Des visions d'un futur où les tensions entre les continents atteignaient un point de rupture. Où des figures masquées se rassemblaient dans l'ombre pour discuter du "problème Vorthak". Où un jeune vampire aux yeux striés de rouge se dressait dans une arène bien plus grande que celle de l'académie, face à des enjeux qui dépassaient de loin un simple examen.

Des visions d'un futur qui venait de faire un pas de plus vers la réalité.

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**FIN DU CHAPITRE 2**

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