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Chapter 20 - Regia saurait.

 Ce sont des cliquetis de bottes en métal au-dehors de la cellule, les premiers depuis longtemps, qui interrompent Kriost. Les habitants se massent immédiatement autour de lui, parce qu'aucun ne voudrait être laissé hors du groupe en cet instant et que lui seul ne peut pas bouger.

 Les ondulations d'une torche dansent le long de la grille à mesure que les Oubliés — Oubliés ou suivants, ça ne change pas grand-chose — approchent. À l'oreille, Kriost dirait qu'ils sont deux. Et comme il n'a jamais été bon à ce jeu-là, c'en sont trois qui arrivent, vêtus d'armures grises et d'armets à plume qu'il n'a jamais vus que dans des livres d'histoire.

 Des guerriers du douzième siècle ? Rien n'est moins sûr, mais Regia saurait.

 L'un des trois hommes, en retrait, porte un plateau sur lequel se trouvent une marmite et une cruche. Les deux autres ont chacun une arbalète pour dissuader les prisonniers de quoi que ce soit. Comme si les villageois avaient une chance de sortir du bâtiment par la porte d'entrée…

 L'un des arbalétriers enclenche la serrure, ouvre la porte et ils entrent, lui et son confrère, les premiers. L'un d'eux tient très clairement Kriost en joue, l'autre laisse le carreau glisser d'un villageois à l'autre de telle sorte que leurs petites agitations les surprennent les uns les autres. Kriost, lui, essaie de sonder les environs et d'éventuelles sources ou contenant d'eau, mais rien n'y fait. Il est trop tôt pour cela.

 Cet après-midi, si tout va bien.

 Le plateau posé, les trois Oubliés repartent comme ils sont venus. Quelques minutes de plein silence, au cas où, et le mouvement revient dans la cellule. Tous retournent à leur place, à l'exception de la boulangère qui se dirige vers la marmite. Elle se tourne en premier vers Kriost.

 « Vous avez faim ? »

 La question claque comme une insulte et arrache un haussement de sourcils au forgeron.

 « Vraiment ?

 — Quoi ? »

 Il la fixe un instant, semble évaluer l'intérêt d'une nouvelle dispute et capitule mentalement.

 « Non, ce n'est rien.

 — Bien. » Elle roule des yeux, revient à Kriost. « Je disais donc : vous avez faim ?

 — Non, mais merci.

 — Vous avez pourtant besoin d'énergie »

 La vieille soigneuse, visiblement inquiète et toujours prête à prodiguer ses conseils.

 « Je sais, mais je pense que je vais vomir si je mange tout de suite. »

 Et vomir maintenant ne serait pas une bonne idée puisque Seldi lui a fait avaler une Larme de Naïade pour accélérer sa guérison.

 « Vous êtes sûr ?

 — Absolument, oui. » Il sourit au mieux pour les rassurer. « Je vous préviendrai si j'ai faim.

 — Dans ce cas… »

 La boulangère pose alors la marmite entre la vieille soigneuse et elle avant de sortir deux cuillères de sa tunique. Elle scrute le couloir en désespoir que des gardes viennent les lui prendre, puis commence à manger le plus silencieusement possible. La vieille soigneuse fait de même.

 « Et donc ? » Le barde, bien évidemment : « Cette semaine à l'auberge ?

 — Sans vouloir vous décevoir, elle était plutôt ennuyeuse. Je l'ai passée à lire, à regretter de m'être fait prendre par Alastor et à ne recevoir de nouvelles du tournoi que par le biais des aubergistes et de Regia.

 — Pas Hetros ?

 — Non, il n'est venu qu'une seule fois, avant le début du tournoi des deuxièmes années. Sa présence a été requise au stade jusqu'à la fin, et je n'ai pas pu le voir après.

 — Dois-je comprendre qu'il a remporté celui-ci ?

 — Bien évidemment. »

 Quel regret de ne pas avoir pu assister à cette partie-là du Tournoi… Les affrontements des deuxièmes années sont réputés à la fois plus techniques et grandioses, et ce même lorsqu'une promotion comme celle de Saïna a déjà mis la barre très haut.

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