Kriost sait qu'ils ne comprennent pas pourquoi il leur raconte tout ça, pourquoi il est nécessaire pour lui de dérouler l'histoire aussi lentement, sans qu'ils ne se rendent compte qu'il les scrute et qu'il patiente, ignorant lui aussi tout des détails de la suite.
La petite Olia a un grand regard au moindre bout d'information. Nobles, phénix et wyvernes contentent sa curiosité d'enfant ; et le forgeron écoute parce que sa fille ne semble plus penser à ce qu'il leur arrive.
La vieille soigneuse s'est assoupie, le barde alterne entre de longs moments où il scrute Kriost et d'autres, plus courts, lors desquels il garde les paupières fermées, probablement pour mieux visualiser l'histoire de ce corps d'armée traversant l'Incendie d'est en ouest pour venir délivrer une si petite cité que presque personne ne la connaît.
Ils ne savent pas que Kriost ne sait pas non plus, et c'est mieux ainsi. Il a senti sa sœur au nord-est, et il sait que son clan s'étale lentement autour de la cité… Mais pour le reste, il ne peut qu'assumer des idées de Seldi et de comment elle a tordu la volonté du commandement — du moins ce qu'il en reste — pour parvenir à ses fins.
L'après-midi avance tranquillement et les douleurs qui marbraient son corps le matin même disparaissent. Lui faire avaler une larme de Naïade était une idée géniale, même si le contrecoup sera terrible. Tant pis.
« Et donc, pourquoi vous nous dites tout ça ? »
Il soupire et la boulangère hausse le sourcil. Le barde râle sans mots.
« Quoi ?
— Eh bien, il nous occupe. Voilà tout. »
Un regard du barde à Kriost, qui le scrute malgré lui. Sait-il à quel point il a raison ?
« Voilà tout ?
— Non. » Ils se tournent vers Kriost. « D'abord parce que vous me l'avez demandé, ensuite pour vous occuper, vous et tous ceux qui nous écoutent, et, enfin, pour que vous sachiez qui sont ceux qui viennent vous libérer. »
La boulangère roule des yeux, le forgeron sourit.
« Alastor, Thosm de Dorïn, Hina, les cousins Lorl, l'Ange de Torres et son maître, Edora… » Sa voix tombe à la mention de la capitaine. « Tous sont venus pour reprendre Egara.
— Pour la gloire et l'honneur ?
— Non, parce qu'elle est la patrie d'une Championne des Flammes et qu'elle nous a tous conquis. »
La boulangère grommelle quelque chose sur la vision romanesque des jeunes, mais Kriost n'écoute pas. Il sait.
Lui aussi, Saïna l'a conquis sans le vouloir.