[Bâtiment-S / Salle 4 — 15h38]
Dans un autre coin de l'académie, le calme régnait à peine. Les couloirs du bâtiment-S bourdonnaient d'excitation comme une ruche, mais cette agitation avait une seule source : Nyx.
La jeune fille avançait, droite mais tendue, ses pas résonnant doucement contre les dalles polies. Partout où elle passait, des têtes se tournaient. Les élèves se poussaient légèrement pour lui dégager le passage, certains lui adressant des sourires polis, d'autres des hochements de tête empreints de respect.
-:" C'est elle…" chuchota un garçon en uniforme bleu marine, les yeux écarquillés.
-:" Oui, Nyx. Celle qui a tenu tête à Léonard Blacksteel."
-:" Incroyable… et elle a même déjà sa cape officielle."
Les murmures s'élevaient comme une vague. Nyx sentait chacun de ces regards comme une lumière crue qui la brûlait. Son corps lui intimait presque de baisser les yeux, de presser le pas, mais elle s'obligea à garder une posture fière, digne. Elle n'avait rien demandé à tout cela. Elle n'avait voulu qu'une chose : avancer aux côtés de Star.
Et voilà qu'on la plaçait sur un piédestal.
Arrivée devant la porte de la salle 4, elle inspira discrètement, cherchant à calmer le tumulte qui lui serrait la poitrine. Mais à peine eut-elle franchi le seuil que les applaudissements éclatèrent. Pas un tonnerre, mais un frémissement spontané, comme une onde de reconnaissance.
Un élève aux cheveux courts et à l'uniforme impeccable s'inclina légèrement.
-:" Bienvenue parmi nous, Nyx. Ton nom nous était déjà parvenu, mais ton courage en affrontant Blacksteel… c'est un honneur de t'avoir ici."
Elle cligna des yeux, un peu prise de court.
-:" Je… merci." répondit-elle d'une voix douce, presque gênée.
Une fille, aux boucles blondes relevées par un ruban écarlate, s'approcha avec un sourire chaleureux.
-:" Si tu veux, je peux te montrer où est ta place. Tu verras, être dans la section supérieure implique quelques règles… mais avec ton potentiel, tu n'auras aucun mal à t'y faire."
Nyx suivit du regard la main élégante qui lui désignait un pupitre, entouré de sièges où déjà certains élèves lui faisaient signe. L'un d'eux tira même sa chaise pour l'inviter à s'installer. Elle esquissa un sourire timide et s'exécuta, mais son cœur battait trop vite.
Elle avait passé sa vie à marcher dans l'ombre, avec Star pour unique ancre. Et maintenant, tous ces regards l'érigeaient en figure d'exemple. Ce n'était pas désagréable… mais c'était oppressant.
Ses pensées se heurtèrent à une question sourde : "Que pense-t-il, lui, en ce moment ?"
Alors que les autres discutent joyeusement autour d'elle, Nyx serra son poignet gauche, comme si ce geste pouvait la ramener vers Star malgré les murs qui les séparaient.
Elle sourit à ses camarades, polie, mais au fond d'elle, une inquiétude sourde persistait : lui, son ami d'enfance, traversait sûrement l'exact opposé de ce qu'elle vivait.
Et cette gloire soudaine n'avait aucune saveur si elle ne pouvait pas la partager avec lui.
L'agitation qui régnait dans la salle s'interrompit brutalement.
Un silence presque religieux s'abattit, étouffant les rires et les conversations. Les pas mesurés résonnaient dans le couloir comme un glas solennel. On entendait le froissement régulier d'étoffes raffinées, le cliquetis discret des bottes vernies contre le marbre, et surtout, ce murmure croissant qui circulait entre les élèves :
-:" Il est là… Roy Valerius."
Lorsque la porte coulissa avec lenteur, une aura écrasante envahit l'espace. Roy avançait, mains dans les poches, le regard froid et assuré. Il n'était pas seul.
Derrière lui, un petit cortège composé de deux assistants en uniforme, d'une intendante à l'allure sévère et d'une servante élégante rappelait son statut. Leur simple présence suffisait à rappeler que ce jeune homme appartenait à une sphère inaccessible, celle de l'aristocratie dominante.
Il s'arrêta au seuil, laissant traîner son regard sur la classe entière. Pas un mot n'avait encore franchi ses lèvres, mais déjà, les élèves baissaient les yeux, comme écrasés par une autorité tacite.
Trop de bruit, finit-il par lancer d'une voix sèche et tranchante comme une lame. Vous encombrez l'air de paroles inutiles… et cet endroit n'a pas vocation à abriter de la vermine.
Un murmure étouffé parcourut la salle, aussitôt étouffé par la peur de représailles. Tous s'écartèrent dans un réflexe instinctif, formant un couloir vivant qui s'ouvrit jusqu'à Nyx.
Elle, surprise, resta immobile, figée sous ce regard qui semblait sonder jusqu'au fond de son âme. Son cœur battait fort dans sa poitrine, mais elle refusa de reculer.
Roy s'approcha lentement, ses yeux d'un bleu acier fixés sur elle. Puis il s'arrêta à quelques pas à peine. Ses mots tombèrent, lents, appuyés, presque calculés pour l'ébranler.
-:" Alors, c'est toi… la nouvelle qui a su tenir tête à mon "jouet" ?"
Nyx cligna des yeux, confuse. Elle ignorait encore la portée de ce titre, de la même manière qu'elle venait d'être projetée dans une pièce dont elle ne connaissait pas les règles.
Pour elle, l'affrontement avec Léonard Blacksteel n'avait été qu'un combat imprévu, une nécessité due à son évaluation soudaine. Mais aux yeux de Roy Valerius, il s'agissait d'un affront personnel.
Léonard Blacksteel n'était pas qu'un adversaire quelconque : c'était son rival de sang, l'héritier d'une famille rivale. Depuis plusieurs générations, les Valerius régnaient sur une large part des forces armées de Célestian, enrichis par la collecte et la vente d'artefacts dits supérieurs, ces reliques mystérieuses tirées de mondes étrangers.
Leurs combattants étaient craints dans toute la nation, forgés par une lignée séculaire de guerriers.
Mais l'ascension fulgurante de la famille Blacksteel avait ébranlé ce monopole, ouvrant une rivalité féroce, presque légendaire.
La présence simultanée de Roy Valerius et de Léonard Blacksteel au sein de la même académie était une aberration pour certains, une coïncidence pour d'autres… mais pour les élèves, c'était une bombe prête à exploser à chaque instant.
À chaque fois que leurs regards se croisaient dans un couloir, c'était comme si deux éclairs invisibles jaillissaient, saturant l'air d'une tension électrique. Un simple échange de mots suffisait à plonger les témoins dans le silence, craignant que la moindre provocation ne dégénère en affrontement.
Cette rivalité était devenue un spectacle silencieux : chaque rencontre se résumait à une série de murmures venimeux, à des sourires glacés, à des insultes murmurées qui résonnaient comme des serments de guerre.
L'académie, censée être un sanctuaire de savoir et d'ascension, s'était transformée en un champ de bataille invisible où les deux héritiers mesuraient leurs forces à travers chaque geste, chaque parole, chaque défi implicite.
Tous savaient que si l'interdiction d'user de magie et d'arcane au sein des bâtiments venait à être levée, l'académie n'aurait probablement déjà été réduite qu'à des ruines fumantes. La simple idée d'un affrontement direct entre ces deux héritiers faisait frissonner élèves et professeurs. Et pourtant, derrière les murs majestueux, chacun savait qu'il ne s'agissait que d'une question de temps avant que l'étincelle n'allume l'incendie.
Le fait que Nyx ait osé croiser le chemin de l'un et égalisé cette rencontre équivalait, sans qu'elle le sache, à s'inscrire dans cette guerre silencieuse.
Roy pencha légèrement la tête, un sourire presque imperceptible se dessinant sur ses lèvres. Ses mots furent un mélange de provocation et d'avertissement.
-:" Continue comme ça, tu finiras peut-être par gravir les marches du sommet… Mais retiens bien une chose : ne touche pas à ce qui m'appartient."
La salle retint son souffle. Personne n'osa intervenir. Dans ce duel muet entre la nouvelle et l'héritier Valerius, il y avait une tension telle que l'air en devenait lourd.
Nyx, pourtant, ne répondit pas. Pas par peur, mais parce qu'elle ne comprenait pas encore pourquoi sa simple existence semblait déclencher tant d'hostilité et d'attention.
Roy, lui, se détourna aussitôt, ses serviteurs s'empressant de le suivre. L'atmosphère ne reprit son cours normal que bien après son départ, laissant Nyx seule face aux regards curieux et inquiets de ses camarades.
Elle venait d'être désignée.
Et dans cette académie où les héritiers s'affrontaient derrière des sourires polis, être désignée par Roy Valerius était une bénédiction pour certains… mais une malédiction pour la plupart.
[Académie Arcanique / Salle commune. 17h18]
Nyx profite d'un moment seule avec elle-même, loin des autres et de cette agitation. Elle avait besoin de se vider la tête après cette première journée vertigineuse. La salle commune était peu peuplé aujourd'hui alors elle s'asseoit un court instant.
Ces pensées sont dirigées vers la direction d'un groupe de personnes qui semblait avoir une certaine rancune envers Aïcha mais surtout star, ici pensant être discrets, ils complotent pour le prendre en embuscade s'il compte se rendre à son dortoir.
Nyx pressait le pas, déterminée. Les murmures qu'elle avait surpris dans la salle commune résonnaient encore dans sa tête : une embuscade… Ces types visaient clairement Star. Son cœur battait fort, partagé entre l'inquiétude et une colère sourde. Elle n'allait pas rester sans rien faire.
Mais en tournant dans le couloir, la scène qui s'offrit à elle la stoppa net.
Trois silhouettes, les mêmes qu'elle avait entendues comploter, gisaient déjà contre les murs, haletantes, incapables de se relever. Leurs uniformes froissés et leurs regards apeurés suffisaient à témoigner de la rapidité de leur défaite.
Et devant eux se tenait un garçon au regard glacé, la posture droite, un poing encore tendu. Une énergie sombre, presque imperceptible, flottait autour de lui, comme une brise invisible chargée de menace. Ses yeux brillaient d'une intensité dangereuse, mais son expression demeurait impassible, comme si corriger ces types n'avait pas plus d'importance qu'écraser des insectes.
Nyx sentit un frisson courir le long de son dos. Cet inconnu n'était pas un simple étudiant. Il dégageait quelque chose de radicalement différent : une maîtrise froide, une brutalité contrôlée, une assurance née de l'expérience, pas seulement de l'orgueil.
Ce fut alors qu'elle remarqua Star, un peu en retrait, témoin involontaire de la scène. Il observait l'inconnu, partagé entre la surprise et une méfiance instinctive. Il n'avait rien demandé, et pourtant ce type venait d'agir comme un bouclier qu'il n'avait jamais sollicité.
Le silence pesa quelques instants, lourd comme du plomb. Puis l'inconnu baissa son poing, glissa ses mains dans ses poches et, d'un ton neutre, lâcha simplement :
" Vous perdez votre temps. Le harcèlement d'un incapable ne fait pas de vous des hommes forts, seulement des parasites."
Ses mots, acérés comme des lames, laissèrent un vide glacial dans le couloir. Les trois brutes, humiliées, n'osaient même plus relever les yeux.
Nyx fit un pas en avant, brisant enfin le silence :
"Qui es-tu…?"
L'inconnu tourna légèrement la tête, ses yeux rouges sombres accrochant les siens. Un sourire imperceptible effleura ses lèvres, mélange de défi et de mystère.
-: "Tom de Vossein. Retenez ce nom, il vous sera utile."
Puis, sans attendre de réponse, il reprit sa marche, ses pas résonnant dans le couloir désert comme un rappel inquiétant de la puissance qu'il venait de démontrer.
Star resta un instant immobile, absorbé par ce nom et par la silhouette qui disparaissait peu à peu dans l'ombre. Il ne comprenait pas pourquoi ce Tom s'était interposé pour lui… mais une chose était certaine :
il venait d'entrer dans un jeu dangereux où des forces bien plus grandes que lui semblaient déjà l'entourer.