Pendant ce temps au même moment.
Zarah, la médecin légiste, avait déjà pu comparer l'échantillon d'ADN trouvé sur le corps d'ABOUGHE avec ceux des suspects du SHARD.
Le résultat était incompatible.
Il y avait bien des correspondances avec des individus suspects, mais rien de concret. Pour Zarah, c'était un grand échec, et elle décida de rentrer. De quitter la grande ville…
Pendant ce temps, le soir était tombé sur la grande ville. Zarah était allongée sur son lit, dans l'appartement 4C qu'elle avait loué pour la semaine de congés qu'elle avait demandée.
— « Je pensais vraiment avoir une piste… Qu'est-ce que j'ai fait de travers ? » dit-elle, pensive.
— « Peut-être que j'ai raté quelque chose ? Et si le tueur de la forêt ensanglantée n'était pas parmi les suspects, mais plutôt quelqu'un d'inconnu ? » se demanda-t-elle, les yeux rivés au plafond de son petit appartement.
Soudain, elle entendit des bruits dehors.
Se rapprochant de la fenêtre, elle vit un petit groupe de manifestants qui rentraient chez eux. Trois d'entre eux habitaient dans le même immeuble que Zarah. Elle s'approcha alors de la porte et colla son oreille contre celle-ci pour les entendre passer.
— « Ça ne sert à rien de manifester… Le gouvernement ne peut rien faire, ils s'en foutent de nous et de notre douleur… » dit une voix.
C'était celle d'une fille perdue, qui pleurait son père.
— « Calme-toi, Emma… » dit sa mère d'une voix douce et abattue.
On pouvait comprendre qu'elle-même n'y croyait plus vraiment à ce combat, mais qu'elle ne voulait pas affronter la réalité.
Zarah les écoutait derrière sa porte.
Le sentiment d'avoir échoué lui montait en elle comme un parfum amer, mais réel.
Elle ouvrit lentement la porte de son appartement, posa un pied en avant, puis alla vers elles.
— « Bonsoir… » dit Zarah, comme si elle essayait d'apaiser un animal blessé pour ne pas qu'il morde.
Emma et sa mère se retournèrent, étonnées et fatiguées à la fois.
— « Je peux vous aider, ou bien vous voulez nous aider parce que vous avez pitié de nous ? » répondit Amanda.
Zarah resta sans voix. Elle comprit la douleur que portait cette femme à l'allure dure.
Emma, elle, ne répondit même pas. Elle continua simplement à marcher, comme si elle n'avait rien entendu.
Amanda portait des panneaux, des pancartes et d'autres affaires sous les bras. Elle se retourna pour partir. Le son de ses pas résonnait comme une sentence que personne ne pouvait annuler.
— « Je vous comprends plus que vous ne le croyez… » dit Zarah, le cœur battant, comme si elle venait de franchir une porte interdite.
En entendant cela, Amanda se retourna lentement.
— « J'ai perdu ma famille… J'ai perdu ma mère, ainsi que mes frères et sœurs… » dit Zarah, la voix tremblante.
Elle parlait, tandis que des larmes silencieuses coulaient sur ses joues.
En l'entendant, Amanda baissa les yeux.
Zarah continua :
— « J'ai cherché à trouver le coupable, et je cherche encore… mais tous mes indices montrent que c'est ce tueur qui les a tués. »
Le silence du couloir était comme un témoin.
Les mots de Zarah résonnaient dans l'esprit d'Amanda.
Après un moment, laissant le silence emporter cette vérité, Amanda dit d'une voix basse :
— « Mais vous avez échoué… pas vrai ? »
La phrase ne sonnait pas comme un jugement, mais comme une tentative de réconfort.
— « Oui… » répondit Zarah, comme pour se débarrasser enfin de cette vérité.
Les yeux de Zarah tentaient de fuir cet échec, qui lui rappelait son beau-père.
Cet homme qui, depuis la mort de sa femme et de ses enfants, l'avait comme oubliée.
Mais Amanda voyait le fardeau que portait Zarah.
— « Avant aujourd'hui, je doutais… Non seulement du réel désir des forces de l'ordre de mettre les tueurs en prison, mais toi, tu me montres un autre visage de la police. » dit Amanda en esquissant un léger sourire.
— « Je vous le jure, nous faisons tout pour mettre ce tueur en prison. » répondit Zarah d'une voix ferme.
Soudain, le téléphone de Zarah sonna.
— « Désolée, je dois répondre… » dit-elle.
— « D'accord… Merci. Ce que tu viens de me dire me redonne foi. S'il te plaît, ne décevez pas… car je n'ai plus ni force, ni solution. »
Ses mots résonnaient dans l'esprit de Zarah comme des coups de poing ou des battements de tam-tam.
Elle entra dans l'appartement et ferma la porte lentement.
De retour dans la maison des ABOUGHE !
Le feu aurait pu être une bonne idée, mais non.
Je n'étais pas une meurtrière.
J'ai cherché dans la maison des preuves qui pourraient l'incriminer.
Je suis entrée dans sa chambre et j'ai fouillé sans vraiment savoir ce que je cherchais.
Juste des images. Des objets. Quelque chose qui appartiendrait aux victimes.
Quelque chose qui me permettrait de comprendre.
La chambre de GRÉY était peu éclairée.
Je m'arrêtais sans cesse, retenant ma respiration, pour écouter.
Pour vérifier qu'il n'essayait pas de s'échapper.
Ou pire… qu'il ne se tenait pas déjà derrière moi.
J'avais peur.
Une peur comme je n'en avais jamais connue.
Et ce qui rendait tout cela encore plus terrifiant, c'était que c'était mon propre fils.
Mon unique enfant.
J'ai ouvert son armoire.
Et j'ai reculé d'un pas, presque en fuyant.
Il n'y avait rien.
Rien.
Pourquoi ? ai-je crié dans mon esprit, le couteau serré dans ma main droite.
Mes doigts tremblaient, mais je ne le lâchais pas.
— « Non… il n'y a rien. Rien que je puisse utiliser pour le faire arrêter… ou même pour le faire soupçonner », ai-je murmuré d'une voix basse et tendue.
Le silence était trop propre.
Dans la chambre de GRÉY, rien ne trahissait un monstre.
Pas de trophées.
Pas d'objets maculés.
Pas de souvenirs malsains.
Juste un lit défait.
Des vêtements rangés.
Une vie presque normale.
Et pourtant… je savais.
Je refermai l'armoire avec lenteur, comme si le moindre bruit pouvait réveiller quelque chose de pire que lui.
Mon cœur battait si fort que j'avais l'impression qu'il allait me dénoncer.
Je fis un pas vers le bureau.
Puis un autre.
Chaque meuble devenait une menace.
Chaque tiroir, une décision.
Je posai le couteau sur le bureau, sans le lâcher vraiment.
Ma main tremblait encore.
Je fouillai.
Papiers.
Factures.
Vieilles photos.
Rien.
— Réfléchis, Virginie… réfléchis…
Il était méthodique.
Trop.
C'est là que je l'entendis.
Au début, je crus que c'était mon sang qui bourdonnait dans mes oreilles.
Puis le son revint.
Grave.
Lointain.
Mécanique.
Un moteur.
Je me figeai.
Je retins mon souffle, comme si l'air lui-même pouvait trahir ma présence.
Le bruit se rapprochait.
Puis un second son.
Un crissement bref.
Des pneus sur le gravier.
Non.
Je m'approchai de la fenêtre, lentement, très lentement.
Je repoussai le rideau de quelques centimètres.
Un véhicule venait de se garer dans l'allée de la grande maison des ABOUGHE.
Un véhicule de police.
Mes jambes faillirent céder.
— Non… pas maintenant…
Les phares s'éteignirent.
Le moteur aussi.
Le monde venait de devenir réel.
Ils étaient là.
Je reculai d'un pas, puis de deux.
Mon regard chercha une issue, une explication, n'importe quoi.
Pourquoi maintenant ?
Je pensai aussitôt à lui.
À la cave.
À son corps ligoté.
À sa tête frappée.
À son regard, encore conscient malgré tout.
Je quittai la chambre sans courir.
Je savais que courir ferait trop de bruit.
Chaque marche de l'escalier grinçait comme une accusation.
En bas, la maison semblait me regarder.
Comme si elle savait tout depuis le début.
Je descendis jusqu'à la cave.
L'odeur d'humidité me prit à la gorge.
Il était là.
Toujours attaché.
Toujours bâillonné.
Ses yeux se levèrent vers moi.
Ils n'exprimaient ni surprise… ni peur.
Seulement cette chose froide.
Cette chose que je n'avais jamais comprise chez lui.
— « La police est là », murmurai-je.
Ma voix tremblait malgré moi.
Il ne réagit pas.
Pas un battement de cils.
Je m'approchai, m'accroupis devant lui.
— « Qu'est-ce que tu as fait, GRÉY ? »
Rien.
— « Comment ça se fait qu'ils soient là ? »
Je le fixais, cherchant une fissure.
Un signe.
Un mensonge mal tenu.
Il soutenait mon regard.
— « Réponds-moi… »
Je posai ma main sur sa poitrine.
Je sentais son cœur battre.
Calme.
Régulier.
Pas celui d'un homme pris au piège.
Celui d'un homme qui avait prévu quelque chose.
Au-dessus de nous, une portière claqua.
Puis une autre.
Des voix.
Floues.
Lointaines.
Mais bien réelles.
— Ils pensent que j'ai disparu…
Ils ne savaient pas que j'étais là.
Ils ne savaient pas ce qu'il m'avait fait.
Ils ne savaient pas ce qu'il avait fait.
Et moi… je n'avais toujours aucune preuve.
Je me relevai brusquement.
Mon regard balaya la cave.
Les murs.
Le sol.
La cage.
— Il y a quelque chose… il y a forcément quelque chose…
Les pas se rapprochaient de la porte d'entrée.
Je regardai GRÉY une dernière fois.
— « Tu ne diras rien… pas vrai ? »
Son silence était sa réponse.
Au-dessus, quelqu'un frappa à la porte.
Fort.
Autoritaire.
La maison des ABOUGHE venait d'être officiellement réveillée.
Et moi…
Je n'avais plus que quelques secondes pour décider si j'étais une mère,
ou une survivante.
